It tortures me to move • Camdal

« Je te vois demain, d’accord. » Malgré les deux jours qui venaient de s’écouler, je me souvenais encore des dernières paroles que j’avais eues avec Camille. Cela me semblait être il y a une éternité. Déjà deux jours que je me trouvais dans cette usine abandonnée, aux mains des trafiquants de drogue que le jeune homme avait essayé d’arrêter en infiltrant le camp de SDF. Il y a trois jours, j’avais quitté le jeune homme avec l’idée que je le reverrais le lendemain, comme je le lui avais dit… Sauf que rien ne c’était passé comme prévu. Le cartel était désormais au courant qu’un policier se trouvait parmi les SDF présents au camp et ils voulaient son nom pour s’en débarrasser. Alors que je me trouvais chez moi au petit matin, j’avais entendu frapper à la porte et j’avais été ouvrir. Deux armoires à glace m’était alors tombée dessus et m’avait planté une seringue dans le bras. Je m’étais alors endormi sans autre forme de procès et je me retrouvais désormais ligoter à une chaise. En deux jours, je pensais avoir tout vécu. J’avais des marques de coups sur le visage, ce dernier était d’ailleurs en sang, j’avais une épaule déboitée et un genou en vrac. J’avais été torturé pour que l’on me fasse avouer qui était le policier en question mais j’avais gardé les mâchoires désespérément close pour le cartel. Ma deuxième journée de captivité allait s’achever et je savais que je n’en avais plus pour longtemps à vivre. Bientôt, le chef en aurait assez que je ne parle pas et il allait m’exécuter avant de se débarrasser de mon corps dans un coin. Enfin, c’était l’idée que je me faisais des cartels de drogue avec ce que j’avais vu dans les films. Un homme s’approcha de moi et me demanda à nouveau qui était le policier qu’ils recherchaient. Je relevais la tête avec un air de défi dans le regard et j’eus droit à un nouveau coup de poing. Je crachais du sang alors que je sentis soudain mes mains être détachées de la chaise où elles se trouvaient. Je fus trainée jusqu’à un tonneau avant que ma tête ne soit plongée dedans. S’ils espéraient me faire parler en manquant de me noyer, cela ne marcherait pas. J’étais résolu à protéger Camille, persuadé du fait qu’il était à ma recherche, qu’il allait bientôt me trouver. Ma tête fut sortie violemment de l’eau alors que je reprenais ma respiration. A nouveau la même question sur Camille et je prononçais mes premiers mots depuis deux jours. « Allez tous vous faire… » Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase que ma tête retournait dans le seau, pour un plus long séjour. Je n’avais pas eu le temps de reprendre ma respiration et je sentais que je n’allais pas tenir aussi longtemps que le premier coup. J’avalais petit à petit de l’eau et soudain, plus rien. Je ne sentis plus aucune pression sur ma tête et je fus même sortie avec mille précautions du tonneau. Recrachant l’eau que j’avais pu inhaler, je me retrouvais étendu sur le sol, un policier au-dessus de moi si j’en jugeais par l’uniforme. Mais je ne voyais pas Camille, du moins, pas encore. Parce que je me doutais qu’il serait là, que c’était lui qui avait aidé ses collègues à me retrouver.
   

Les deux jours qui venaient de s’écouler avaient été un pur enfer pour moi. Je souffrais terriblement des tortures que j’avais subies et j’allais avoir besoin de soin rapidement. Je ne sentais plus ni ma main gauche ni mon pied droit, là où j’avais été plus lourdement atteinte. Mon épaule gauche avait sinistrement craqué la veille et déjà deux jours que je m’étais faite violemment écraser le genou droit par un coup de pied. Mais ce n’était rien comparé à l’impression de se noyer quand les deux hommes me plaquèrent la tête sous l’eau. Je savais que si je ne disais rien, j’allais mourir mais je voulais plus que tout protéger Camille. Alors que je me sentais partir, plus rien ne me retint la tête sous l’eau et je fus même sortie du tonneau avec mille précautions. Etendu sur le sol, je recrachais l’eau que j’avais pu avaler, bientôt aidé par Camille qui s’était précipité à mes côtés. J’eut un peu de mal à le reconnaître d’ailleurs, il avait coupé ses cheveux et rasé sa barbe. Mais cela ne lui faisait pas de mal quand même, je devais le reconnaître. Si j’avais craqué pour le Camille SDF, je craquais encore plus pour le lieutenant de police que j’avais en face de moi. J’eus un petit soupir quand il m’embrassa le front avant de s’excuser pour tout ce que j’avais vécu. Ma main valide se glissa dans le dos du jeune homme et je refermais mes doigts sur son haut. Je plaquais ma tête contre son torse, luttant contre mes larmes. Maintenant que j’étais sauvée, la douleur revenait plus puissante que jamais et j’avais terriblement mal. « J’ai rien dit, je n’ai pas parlé. Ils voulaient savoir où tu étais mais je n’ai rien dit… » Alors que le jeune homme m’embrassait avec précaution, je glissais ma main contre sa joue, lui rendant son baiser avec plaisir. J’avais l’impression de revivre, comme si j’avais été morte pendant deux jours. M’appuyant sur l’épaule de Camille, je me redressais difficilement, grimaçant et gémissant sous la douleur. Je manquais même de perdre connaissance et je finis par déclarer forfait avant de glisser ma tête contre le torse de mon ami, à moitié redressé quand même. Je vis alors les ambulanciers s’approcher de moi et j’eus un petit moment de panique. Ma main se referma sur le bras de Camille alors que je levais la tête vers lui. « Ne me laisse pas toute seule, je t’en prie. » Je ne voulais pas me retrouver toute seule avec des inconnus, j’avais besoin d’une présence familière et seul Camille pouvait me l’offrir.
   

Pendant les deux jours que j’avais passés entre les mains des trafiquants de drogue, je n’avais pensé qu’à Camille, à sa sécurité. J’avais réussi à résister à tout ce que les hommes avaient pu faire pour me faire parler et je m’étais surprise de ma résistance. D’ordinaire, j’aurais peut-être craqué… Mais je tenais beaucoup à Camille, je m’en rendais compte, et je n’avais pas voulu le perdre en leur disant où ils pouvaient trouver le lieutenant de police. Quand je fus secouru par la police, je restais un instant sur le dos, recrachant l’eau que j’avais dans les poumons avant de voir Camille apparaître à mes côtés. J’étais tellement contente de le voir, surtout qu’il avait coupé ses cheveux et rasé sa barbe. Je ne pus m’empêcher de lui dire que je n’avais rien dit aux deux hommes et j’eus un petit sourire quand il ajouta qu’il me promettait que rien ne m’arriverait. J’essayais tant bien que mal de me redresser mais avec une épaule douloureuse et un genou dans le même état, je souffrais. Voyant que je n’y arrivais pas, Camille me prit dans ses bras avant de me déposer sur le brancard. J’eus un petit gémissement de douleur quand je me retrouvais dans les bras du jeune homme mais se fut un faible cri qui franchit mes lèvres quand mon épaule entra en contact avec le brancard. Quand je vis les secouristes commencer à m’emmener, je ne pus m’empêcher de demander à Camille de rester près de moi, de ne pas s’éloigner. J’eus un petit sourire quand il ajouta qu’il ne comptait pas me laisser seule. Je lui rendis le nouveau baiser qu’il me donnait tout en glissant ma main valide dans ses cheveux. Cette mésaventure m’avait au moins servi à quelque chose. Je me rendais compte que c’était plus que de la simple attirance que je ressentais pour le jeune homme. Même si cela avait été la base, l’avoir côtoyé au jour le jour au campement des SDF m’avait fait purement et simplement tombée amoureuse de lui. Une fois dans l’ambulance, Camille me tint la main alors que les ambulanciers commençaient à s’occuper de moi. Ils m’avaient administré un sédatif, me permettant de ne plus avoir mal. Je reportais mon regard sur Camille avant de lever la main vers lui, glissant mes doigts sur sa joue. « Je suis désolé de t’avoir inquiété. Crois-moi, je me serais bien passé de cette mésaventure… » Et ce n’était pas peu dire. Je devais faire peine à voir et surtout peur. Je n’avais pas vu mon visage depuis deux jours mais je sentais que j’étais amochée. J’avais peur de croiser mon regard dans un miroir mais je savais également qu’il faudrait bien que je le fasse à un moment.
   

J’étais contente que Camille m’ait retrouvé même si je n’en avais jamais douté. J’avais toujours su qu’il saurait me retrouver dès qu’il serait au courant de ma disparition. Nous avions prévu de nous revoir le lendemain de notre premier baiser mais je n’étais jamais venu et cela avait certainement dû l’inquiéter. Si j’avais été plus attentive, si j’avais regardé par le judas avant d’ouvrir ma porte, nous n’en serions peut-être pas là. Mais les hommes auraient tout aussi bien pu défoncer ma porte sauf que la police aurait su plus rapidement que j’étais en difficulté et j’aurais peut-être été retrouvée plus rapidement. Mais comme le disait ma mère, avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Alors cela ne servait à rien de ressasser le passé, il fallait avancer. Je me retrouvais cependant avec plaisir dans les bras du jeune homme mais si je ne pus retenir un gémissement de douleur. Rapidement, je fus embarqué dans l’ambulance, Camille toujours près de moi. Je refusais que le jeune homme s’éloigne de moi, ne serait-ce que trente seconde. Je reportais mon regard sur Camille, un petit sourire aux lèvres. « Tu n’en sais rien… Peut-être qu’ils auraient fini par s’en prendre à moi sans que tu me dises qui tu étais réellement. » C’était quelque chose de tout à fait probable. Après tout, ils ne savaient pas que Camille était le policier. Hors, ce n’était pas parce que les hommes m’avaient vu avec lui qu’ils savaient qu’il y avait un policier. Sinon, ils n’auraient pas eu besoin de moi pour savoir qui il était ni où il se trouvait. Donc, il y avait une toute autre explication. J’espérais que le jeune homme allait comprendre qu’il n’était en rien responsable de mon état, que c’était celle des trafiquants. Je souris à nouveau quand il ajouta qu’il n’allait plus me lâcher, qu’il allait me protéger. Glissant ma main libre dans son cou, je fis pression sur ce dernier pour qu’il baisse la tête. Je déposais un baiser sur ses lèvres, peut-être un peu plus appuyé que les autres étant donné que la douleur commençait à passer grâce aux sédatifs que j’avais pu recevoir. « Tout ce que tu voudras. Je ne pourrais jamais te dire non. » Le problème avec les sédatifs, c’était qu’ils calmaient la douleur certes, mais ils détendaient quand même beaucoup et me faisaient dire tout ce qui me passaient par la tête. Je caressais la joue du jeune homme en souriant bêtement. « Je suis complètement stone, c’est dingue les sédatifs quand même… Toujours est-il que je ne te laisserais pas partir, ça ne risque pas, crois-moi. » Je ne comptais pas laisser le jeune homme me filer entre les doigts, c’était certain. Quelle que soit la façon dont je parlais, je voulais que le jeune homme reste à mes côtés. C’était peut-être rapide comme façon de penser, d’autant que cela ne faisait que deux jours que je savais que Camille s’intéressait à moi… Mais déjà trois mois que nous nous tournions autour et je savais déjà pourquoi personnellement. C’était mes deux jours de captivité loin de Camille qui m’avait ouvert les yeux. J’étais complètement amoureuse du jeune homme et je n’allais plus m’en cacher. Mais je ne comptais pas non plus le dire la première, pas tout de suite. Après tout, même si Camille me trouvait intéressante et que je lui plaisais, cela ne voulait pas dire qu’il était amoureux de moi et je n’étais pas en état de supporter un rejet pour le moment.
   

Une fois dans l’ambulance, je ne lâchais pas la main de Camille. Je ne voulais pas qu’il s’éloigne de moi, même pas de trois millimètres. J’avais besoin de ce contact physique entre nous, cela me rassurait grandement. Point positif des sédatifs, je n’avais plus mal nulle part. Point négatif… Je ne disais que des conneries. Quand le jeune homme ajouta qu’il ne me laisserait plus, je ne pus m’empêcher de lui dire que je ne dirais jamais non. Pour être honnête, c’était vraie, Camille était devenu vitale pour moi. Et quand il me demanda confirmation, je secouais vivement la tête. « Là maintenant, tu me demanderais n’importe quoi, je serais incapable de te le refuser… » J’étais complètement stone, à côté de mes pompes alors il était clair que je ne pourrais rien refuser à Camille. Il pourrait me demander de sauter en parachute au-dessus de l’Everest, je serais tout à fait capable de lui répondre oui. Ou encore de sauter à l’élastique… Ou tout autre truc à sensation forte. Alors que je ne quittais pas Camille du regard, ce dernier se pencha vers moi et m’embrassa à nouveau. Mais ce n’était pas un baiser standard si je pouvais m’exprimer ainsi. C’était plus passionné comme baiser que tout ce à quoi j’avais eu le droit jusqu’à présent. Ma main valide se glissa dans les cheveux du jeune homme alors qu’il reculait, ajouta que j’étais devenue très importante pour lui. J’eus alors un sourire idiot et je sentis avant même que les mots ne sortent de ma bouche que j’allais dire une connerie. Mais il était trop tard pour faire marche arrière. « Toi aussi… Comme la mousse chocolatée sur le capuccino. » Fichue sédatif… Je devais avoir l’air complètement idiote ainsi stone à débiter des conneries sur le capuccino… Mais j’étais contente malgré tout, je savais que je comptais réellement pour Camille et cela n’avait pas de prix. On arriva rapidement à l’hôpital et je dus passer des examens. Ce qui obligea Camille à me lâcher la main le temps que je ne revienne à lui. Et je passais bien une heure et demie entre les mains des médecins qui auscultèrent mon visage, mon genou et surtout mon épaule. Une fois soignée, je fus conduite en fauteuil roulant jusqu’au jeune homme. L’effet des sédatifs avait cessé mais je n’avais pas mal avec les antidouleurs que j’avais reçus. Une fois face à Camille, je posais ma tête sur son épaule, contente de le retrouver.
   

Je détestais la sensation d’être sous sédatifs, je ne me rendais pas compte de ce que je faisais ni même des bêtises que je pouvais faire. J’étais incapable de réfléchir correctement ainsi, quand Camille ajouta qu’il serait collé à mes baskets, je ne pus refuser. Mais même en n’étant pas sous les sédatifs, j’aurais eu toutes les difficultés du monde à refuser. Parce que pendant toute ma captivité, je n’avais pensé qu’à lui, à sa sécurité. Et j’avais besoin de savoir s’il allait bien. Certes, il n’avait pas été kidnappé ni torturé mais quand même, il ne devait pas être au mieux de sa forme. Cela me permettrait donc de garder également un œil sur lui en plus de ne pas me retrouver seule. Je me sentis littéralement fondre sous les baisers de Camille. Rien à voir avec les sédatifs cette fois, c’était uniquement mes sentiments pour lui qui me faisaient cet effet. Et par la suite, je ne pus m’empêcher de le comparer à la mousse chocolatée qui recouvre un capuccino… Si seulement il savait que j’étais friande de cette mousse et que c’était l’unique raison pour laquelle je buvais des capuccino… « J’adore les bisous de ma mousse chocolatée préférée. » Il fallait me faire taire, absolument sinon je serais capable de continuer sur ma lancée de conneries. Heureusement, on arriva rapidement à l’hôpital et je fus emmené par les médecins pour une batterie d’examens médicaux. Une heure et demie plus tard, c’est soigné et débarrassé de l’effet des sédatifs que je retrouvais le jeune homme dans la salle d’attente, sur un fauteuil roulant poussé par un médecin. Il donna mon dossier au jeune homme, certainement comme preuve à conviction pour l’enquête et pour le procès qui allait suivre. Pendant ce temps, j’avais posé ma tête contre l’épaule du jeune homme, attendant de savoir si je pouvais rentrer chez moi. Je n’étais jamais très à l’aise avec les hôpitaux et je préférais de loin rentrer chez moi ce soir quitte à signer une décharge plutôt que d’y passer une nuit entière. Heureusement, les examens étaient bons et j’eus l’autorisation de rentrer chez moi. Je frissonnais à cette idée, je n’en avais pas spécialement envie. Le traumatisme de mon kidnapping était encore trop frais pour que j’accepte de rentrer dans mon appartement. Ainsi, je fus soulagé quand Camille me proposa d’aller chez lui, cela me permettra par la même occasion de découvrir où le jeune homme vivait. Je me redressais, un léger sourire aux lèvres. « On va chez toi, je ne me sens pas capable de rentrer dans mon appartement pour l’instant… » Il en profita pour appeler quelqu’un qui allait lui ramener sa voiture pour que nous puissions rentrer là où j’avais décidé d’aller, c’est-à-dire chez le jeune homme.
   

Trop prise par les examens, je ne vis pas le temps passer. Mais mes pensées furent toujours occupées par Camille, sur ce que je pouvais ressentir pour lui. L’effet des sédatifs commençait à disparaitre et je me rendais compte des idioties que j’avais pu dire. J’avais quand même comparé Camille à de la mousse chocolatée… Ridicule. Je ne pus m’empêcher de grimacer, quelle image avais-je bien pu donner à Camille, sérieusement… Cela ne me ressemblait pas d’être ainsi sans défense à débiter bêtises sur bêtises. Mais j’avais une bonne excuse, les sédatifs. Heureusement que je ne lui avais pas annoncé que j’étais amoureuse de lui, je m’en serais trop voulue. Je voulais garder cela pour plus tard, quand je serais réellement certaine de mes sentiments. Parce que c’était bien beau de se dire que j’étais amoureuse de lui mais je ne voulais pas le perdre si je venais à découvrir que ce n’était qu’un contre coup à mon kidnapping et au fait que c’était lui qui m’avait sauvé. Je retrouvais cependant avec plaisir le jeune homme une heure et demie plus tard avec l’autorisation de rentrer chez moi. Mais je n’avais pas envie d’aller dans mon appartement. Le traumatisme était encore trop récent et je savais qu’il y avait du ménage à faire, des meubles avaient dû être brisés. Mon appartement n’était peut-être pas habitable dans l’immédiat. Alors j’acceptais avec plaisir la proposition du jeune homme d’aller chez lui. La voiture du jeune homme arriva rapidement, conduite par un de ses collègues qui repartit aussitôt la voiture livrée. Ils m’aidèrent tous les deux à monter dans la voiture parce que même si mon genou n’était pas blessé, il était encore douloureux. Le jeune homme conduisit doucement, faisant attention à ne pas trop me secouer mais je sentais toutes les imperfections de la route à cause de mon épaule. On arriva rapidement devant la maison de Camille et je fus bien contente d’être arrivée. J’avais commencé à voir des mouches devant mes yeux à cause de la douleur dans mon épaule et il n’aurait pas fallu que la route continue de trop sinon j’aurais pu tomber inconsciente. Je réagissais très mal à la douleur, je le savais. Essayant de sortir seule de la voiture, cela se révéla être plus difficile que prévue. Je me retrouvais rapidement dans les bras du jeune homme, porté telle une mariée le soir du mariage. J’eus un petit sourire caché par le fait que ma tête était contre l’épaule du jeune homme. « Tu sais, je suis censé marcher pour mon genou… » Mais loin de moi l’idée de me plaindre d’une telle attention de la part de Camille. On entra dans la maison de ce dernier et je découvris rapidement son environnement. Tout était bien rangé et ça sentait le propre. En même temps, il avait été absent de chez lui pendant huit mois et il avait pu rentrer chez lui qu’il y a deux jours alors il avait certainement dû faire le ménage. Je posais mes jambes par terre, grimaçant légèrement quand mon poids reposa sur mon genou blessé. Mais je pus marcher quand même un petit peu, boitillant légèrement jusqu’au salon. « Tu as une très jolie maison. » J’avais presque l’impression d’être chez moi avec la chaleur qui se dégageait de la décoration. Ma main glissa sur le dossier du canapé et je ne pus que penser au jour où j’aurais moi aussi la chance d’avoir ma maison. Pour l’instant, je devais me contenter d’un appartement qui me rappelait un peu trop celui de mes parents à New-York.
   

Camille et son collègue m’aidèrent à monter en voiture, aide que j’acceptais avec plaisir. Mon genou, bien que non blessé, était un peu raide et ce n’était pas évident. Arrivés avec le jeune homme chez lui, il me porta jusqu’à l’intérieur de sa maison. Je ne pus m’empêcher de rire légèrement alors que je lui faisais remarquer que j’avais besoin de marcher. Sa réponse me fit sourire alors que je n’ajoutais rien, posant simplement ma tête contre son épaule. Je glissais doucement ma main valide contre sa joue, m’en voulant un petit peu de cette inquiétude que le jeune homme pouvait ressentir. Il me déposa cependant dans l’entrée et je partis m’installer sur le canapé. Au même instant, Camille me parla du fait qu’il avait pris mon chat chez lui, espérant que je ne lui en voulais pas. « Pourquoi je t’en voudrais? Tu as très bien fait, il déteste se retrouver tout seul depuis que je l’ai recueilli. » Le jeune homme partit à l’étage et revint rapidement avec mon petit chou. Le chat miaula dès qu’il me vit et je ne pus retenir un petit sourire en le voyant. J’étais bien contente de revoir mon chat, il m’avait manqué pendant ces deux jours. Alors que Félix se précipitait sur moi pour me faire un câlin, Camille me proposa de boire quelque chose, ajoutant que j’étais chez moi. J’eus un sourire en secouant la tête. « Je vais d’abord me reposer un peu… Je n’ai pas dormi depuis deux jours alors j’avoue avoir un coup de barre là. » Et je devais avouer que le canapé du jeune homme était très confortable. Je m’installais un peu plus confortablement, fermant rapidement les yeux, tombant littéralement de fatigue. J’ignore combien de temps je réussis à dormir calmement avant d’être prise par des cauchemars. Les images de mes deux jours de captivité se mêlaient à des souvenirs plus anciens, à une journée d’hiver que je ne voulais pas revivre. Je commençais doucement à m’agiter sur le canapé mais je n’arrivais pas à me réveiller. Je finis cependant par me redresser violemment, le visage couvert de larmes, n’arrivant pas à retenir le prénom qui me venait en tête. « Alois!! » Je regardais autour de moi, encore prise par le sommeil, commençant à paniquer légèrement. Je ne reconnaissais rien autour de moi, je ne savais plus où j’étais et je voulus me lever du canapé où je me trouvais mais je ne pus que tomber sur mon épaule, criant sous la douleur. Je restais couchée par terre, pleurant à cause de la tristesse et de la douleur.
   

J’étais épuisée, littéralement. Les médicaments contre la douleur additionnés au manque de sommeil firent que je ne mis même pas trente secondes à m’endormir. Je dormais déjà quand Camille revint avec une couverture pour éviter que je n’aie froid. Les premières minutes de mon sommeil se passèrent convenablement, sans cauchemars. Mais bientôt, ces derniers s’invitèrent dans mon sommeil et je commençais doucement à m’agiter. Je revoyais mes deux jours de captivité, imaginant facilement ce qu’il se serait passé si la police ne m’avait pas retrouvé. Cependant, je partis encore plus loin dans le passé, revivant la mort de mon petit frère Alois, tué par un gang rival au sien. Alois n’était pas un ange, il était dealer au moment de sa mort, pour apporter un peu d’argent à ma famille tout comme moi. Il avait arrêté l’école dans le plus grand secret à quatorze ans, en même temps que moi. Mais nous avions pris deux chemins bien différents. Il vendait de la drogue et j’étais serveuse. Je me réveillant en sursaut, hurlant le prénom de mon frère, quand je vis derrière mes paupières closes son corps tombé sur le trottoir, criblé de balle. Paniquant, je ne réussis qu’à tomber du canapé sur mon épaule blessée. J’entendis soudain des pas venir vers mois et je me retrouvais à nouveau sur le canapé. Je reconnus les lèvres de Camille quand il les déposa sur mon front. Je me souvenais soudain que j’étais chez le jeune homme, que j’avais voulu me reposer. Apparemment, les cauchemars m’en avaient empêché… Je n’arrivais pas à calmer mes larmes, je ne revoyais que le corps de mon petit frère tombé sur le trottoir. J’avais pourtant dépassé le stade du traumatisme mais mes deux jours de captivité avaient tout fait remonter. Camille me proposa d’aller dans la chambre d’ami et je secouais la tête. « Cela ne servira à rien. Que je sois dans le canapé ou dans une chambre, j’aurais des cauchemars… » Je savais de quoi je parlais. A la mort de mon frère, j’avais dormi un long moment dans le canapé et cela ne m’avait pas empêché de faire des cauchemars. Je glissais ma main sur mon visage, essayant d’essuyer les larmes qui coulaient sur mes joues mais comme je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer, cela ne servait pas à grand-chose. Alors je déclarais forfait, préférant glisser ma tête contre l’épaule de Camille, laissant mon cœur couler sur mes joues.
   

Camille n’avait pas à se sentir coupable de ce qui m’était arrivé. Ce n’était pas parce qu’il m’avait dit qu’il était policier que les trafiquants s’en était pris à moi. Si un SDF avait cafté qu’il y avait un policier dans les rangs, il aurait tout aussi bien pu donner la description physique de Camille et il serait mort à l’heure actuelle. Alors il n’avait pas à se sentir coupable. En tout cas, je ne lui en voulais pas personnellement. Je fus réveillée en sursaut par des cauchemars, me remémorant la mort de mon petit frère. Je tombais au sol, rapidement relevé par Camille qui se précipita vers moi. Il m’aida à me rasseoir sur le canapé avant de me prendre dans ses bras. Je ne pus retenir un soupir de bien-être, contente d’être dans les bras du jeune homme. J’aurais préféré en d’autres circonstances mais c’était déjà mieux que rien. Il prit la parole, me disant que si j’avais besoin de parler, il serait là. Cependant, je n’avais pas envie de parler de mon petit frère, cela aurait voulu dire tout lui révéler sur mon passé et je ne me sentais pas encore prête à lui dire que j’avais un petit casier judiciaire. Il me demanda si je voulais qu’il s’allonge avec moi et je secouais négativement la tête. « Ne bouscule pas ton programme pour moi. Je ne voudrais pas être un poids… » Il finit par poser sa tête sur la mienne et je fermais les yeux, savourant ce contact. Pendant les deux jours qui venaient de s’écouler, jamais je n’aurais pensé pouvoir un jour bénéficier de ce contact même si j’avais espoir que la police me retrouve. J’avais tellement cru mourir plusieurs fois que ce contact était réellement salvateur. Je rouvris les yeux quand je sentis un mouchoir se poser sur mes joues, essuyant mes larmes. Je ne quittais pas Camille du regard, contente de l’attention qu’il pouvait avoir à mon égard. Il était le premier à s’intéresser à moi, à prendre soin de moi… Si on mettait de côté mon père bien sûr. Une fois mes joues sèches de toutes larmes, je glissais ma tête dans le cou de Camille, respirant son odeur. « J’ai eu tellement peur… Peur de ne jamais te revoir... Peur que vous n’arriviez pas à temps… » C’était la seule chose que j’étais capable de lui dire pour le moment, le seul secret que j’acceptais de lui dévoiler pour le moment.
   

J’aurais tellement aimé que tout cela ne soit qu’un cauchemar, avoir rêvé les deux jours qui venaient de s’écouler mais ce n’était pas le cas. Mon bras en écharpe me le rappelait un peu trop d’ailleurs. J’étais bonne pour un mois d’immobilisation avant la rééducation. Tout cela serait long et difficile mais j’allais y arriver. De toute façon, il me fallait un bras valide pour mon métier de serveuse, je ne pouvais pas me passer de mon bras gauche étant donné que c’était celui qui portait le plateau. Camille me proposa d’aller se coucher ensemble mais je m’en voulais de bouleverser son programme, ce n’était pas ce que je désirais. Mais il ajouta que le repas était prêt et qu’il n’y avait donc aucune raison pour que cela le dérange de venir se coucher avec moi. J’eus un petit sourire quand il ajouta que cette chambre serait à moi aussi longtemps que je le voudrais. Il ne savait pas ce qu’il disait… « Attention, je pourrais très bien décidé de ne jamais repartir. » Ce qui était l’entière vérité. J’étais bien chez le jeune homme même si je n’arrivais pas à fermer les yeux bien longtemps. Je finis par glisser ma tête dans le cou du jeune homme, lui avouant en parti ce que j’avais ressenti pendant les deux jours qui venaient de s’écouler. Il me réconforta et je redressais légèrement la tête, un petit sourire aux lèvres. Le plus important était que lui et ces collègues m’avaient sorti de cet enfer. Je devais oublier ce que j’avais vécu là-bas. Me redressant, je déposais un nouveau baiser sur les lèvres de Camille, légèrement plus appuyé que les autres. Je finis par quitter les bras du jeune homme, me redressant avant de lui tendre ma main valide. « Bon, on va se coucher un peu? » Je fus rapidement dans la dite chambre. Retirant mes chaussures du bout du pied, je fus rapidement couché dans le lit, dans les draps. Me glissant contre Camille, je ne quittais pas le jeune homme du regard, incapable de fermer les yeux quand il était près de moi.
   

J’aurais mille fois préféré ne pas avoir de cauchemars, pouvoir dormir tranquillement jusqu’à me réveiller parfaitement reposée. Je n’avais pas dormi pendant deux jours et cela allait me faire un bien fou… Sauf que mon cerveau refusa de se mettre en pause, me renvoyant des images de ma captivité mais aussi des images de la mort de mon frère, Alois. Je me réveillais en sursaut, bientôt rejointe par Camille qui venait de quitter la cuisine pour me retrouver. Il me réconforta et je ne pus m’empêcher de sourire quand il ajouta que j’étais chez moi ici. Si seulement cela pouvait être vrai… Par la suite, il se leva en glissant sa main dans la mienne avant de me guider jusqu’à la chambre. Une fois dans cette dernière, je me défis de mes chaussures avant de rougir légèrement en voyant Camille enlever son t-shirt. Je me glissais à ses côtés, posant ma tête contre son épaule et ma main sur son torse. J’étais terriblement bien ainsi installé et j’aurais été parfaitement capable de m’endormir. Sauf que le jeune homme retarda légèrement mon endormissement en posant ses lèvres sur les miennes. Je lui rendis son baiser en souriant avant de reposer ma tête sur Camille, les yeux légèrement fermés. Je ne tardais d’ailleurs pas à m’endormir complètement, dans les bras du jeune homme.