La force des liens du sang - [Swann Maxwell]

"Très bien monsieur Maxwell, vous êtes en parfaite forme physique. Laissez moi un instant..."

Le medecin frappa frénétiquement sur son clavier d'ordinateur. J'eus à peine le temps de remettre mon teeshirt qu'un bruit désagréable m'indiquait que l'impression de mon certificat était en cours. La feuille en main, le docteur Moodie signa avec son stylo, ou plutôt sembla dessiner quelque chose ressemblant étrangement à un totem indien couché sur le sol. Quelque chose d'illisible. Son nom certainement.

"Je vous laisse regagner l'accueil et voir avec la secrétaire pour le règlement".

Une poignée de main molle et en deux temps trois mouvements je fus ejecté de la salle de consultation. J'enfila ma veste et sorti mon portefeuille. Je parcouru rapidement les deux lignes du certificat indiquant que j'étais apte à la pratique de la course à pied en compétition et je l'enfoui dans la poche de mon jean.

"Ça vous fera 90 dollars monsieur Maxwell".

Ma gorge se noua un instant, même si je connaissais déjà le montant de cette consultation expeditive. Heureusement le large sourire aux dents blanches et parfaitement alignées de la secrétaire fit passer un peu mieux la pilule. Elle plongeait son regard dans le mien en battant des cils, des cils noirs fournis en petits paquets de mascara agglutinés ici et là. Je me contentai de lui rendre un petit sourire pincé et une fois les formalités administratives bouclées je m'empressai de ranger ma carte de crédit et mes papiers dans mon portefeuille. J'étais ravi que tout ça soit reglé. Mon compte en banque le serait surement moins mais avec ce certificat médical j'allais pouvoir m'inscrire au club de running de l'université. Et l'université prenait en charge financièrement les compétitions sportives de ses meilleurs éléments. Au final je serai gagnant.

Mon regard se posa de nouveau sur la jeune femme face à moi, prêt à lui dire au revoir. Mais celle-ci paraissait contrariée. Elle fusillait quelqu'un  du regard. Je tournai ma tête à gauche pour regarder dans la même direction qu'elle et mes yeux se posèrent sur une ravissante blonde. Qui me fixait. D'où sûrement l'agacement de la secrétaire qui voyait là un autre prédateur entrain de chasser sur ses terres. Elle se trompait lourdement. C'était ma soeur, Swann.

Je ne l'avais pas vu depuis quelques semaines. Pas depuis que je lui avais expliqué que notre frère avait revu papa dans son dos. Je crois qu'elle n'avait pas vraiment apprécié... Alors qu'avant notre relation était solide et pleine d'entrain, nous étions maintenant distants. Lassés par les trop nombreux problèmes que nous avions eu à surmonter. Nous nous étions éloignés. Alors je me contentai d'un signe de la main en guise de premier pas vers elle, et d'un sourire, toujours aussi pincé.

J’avais revu Gregory, mon grand-frère. Et autant dire que le plus compliqué à gérer dans cette histoire, c’était de voir la haine que j’éprouvais à son égard. Nous deux qui étions si proche au départ, étions maintenant de simple étranger. Des étrangers qui ne pouvaient supporter de se trouver dans la même pièce. Et cette simple constatation me faisait souffrir de l’intérieur. Assise sur mon lit, dans la maison d’Hazel, je me rends compte que toute la nuit s’est écoulée, et je n’ai pas dormi. La rencontre avec Greg’ d’il y a deux soirs, c’est tout ce qu’il fallait pour me miner le moral. Et le résultat était mes deux nuits blanches. Soupirant, je passe une main tremblante dans mes cheveux blonds. J’ai mal à la tête, ce qui n’arrange rien. Repoussant la couverture, je me lève ensuite et ouvre la fenêtre. Madeleine dort encore sur le pied de mon lit, tandis que Heiko s’étire. Il doit avoir envie de sortir. Attrapant un jogging et un t-shirt, j’enfile mon gros gilet par-dessus, avant de descendre, Heiko sur les talons et la laisse dans la main. Trouvant Hazel dans le salon, à peine réveillée, je lui souris doucement. Elle est vraiment belle. Je la préviens que je vais sortir Heiko et que je reviens de suite après. Mais en sortant, la faible luminosité rappelle à l’ordre mes maux de tête. Super … Me forçant à avancer tout de même, j’entraine Heiko dans la rue. Mais au lieu de continuer, comme je le fais d’habitude, je fais demi-tour et rentre. Lui donnant à manger, je signale à Hazel que je vais passer chez le médecin. Jasper doit passer la voir, ça leur fera du bien de se retrouver tous les deux. Puis je n’ai pas envie d’imposer trop ma présence, même si c’est Monsieur Samerson qui m’a demandé de venir habiter chez Hazel, le temps qu’il soit en voyage. Attachant simplement mes cheveux, j’attrape mes clés et mon téléphone, si jamais Hazel a besoin de quoi que ce soit. Puis je me dirige vers l’arrêt de bus le plus proche. Montant dans ce dernier, je grimace avec le bruit ambiant. Posant ma tête contre la vitre, je ne peux que me dire que j’ai une sale tête. Lamentable. Arrivant à destination, je descends et me dirige doucement. Heureusement, mon médecin, la seule personne qui sait pour mes problèmes d’écriture et d’écriture, à deux minutes à m’accorder. Lui expliquant rapidement mes symptômes, il tape sur sa machine et je détourne les yeux. Jamais je ne pourrai faire ça, vu que je suis illettrée.  Il m’explique donc qu’il me prescrit des somnifères et qu’il faudrait que je me repose surtout. « Oh je ne peux pas arrêter de travailler ! Elle a besoin de moi … Puis je vis chez elle pour l’instant, donc c’est impossible. Et mon travail, c’est la seule chose qu’il me reste. » Il soupire mais accepte, à la condition que si j’ai un gros coup de fatigue ou une baisse de moral, je vienne le voir directement. Ce que j’accepte. Serrant sa main, je ressors et m’apprête à vouloir payer ma consultation, mais il m’indique la sortie. D’accord.. Je le remercie, surtout que ça fera un trou en moins dans mon portemonnaie. En avançant, je vois Adam. Merde ! Je reste figée, jusqu’à temps qu’il lève la main pour me faire signe, un sourire forcé aux lèvres. Je n’ai pas le choix, jene peux pas passer et faire celle qui ne l’a pas vu. Puis il lui est peut-être arrivé quelque chose ! M’avançant, j’arrive à sa hauteur. « Salut. Comment tu vas ? Tu es blessé ? Il t’est arrivé quelque chose ? » Ma peur a repris le dessus et je veux savoir s’il va bien. Peu importe si on s’est éloignés, il reste mon petit-frère, celui que je protégerai toute ma vie, au péril de la mienne.

Après un court flottement Swann s’avance vers moi d’un pas décidé. Pendant un instant je me prépare à me faire incendier. Sûrement au sujet de Grégory. Mais non. Ma sœur me submerge de questions concernant mon état de santé. Ce qui je dois l’avouer me fait immédiatement fondre. Je ne peux m’empêcher de lui offrir un large sourire en guise de réponse. Swann est tellement réconfortante. Elle est mon équilibre, la mère que je n’ai pas eu.

Ça va, ça va j’ai rien ne t’inquiètes pas. Je suis juste venu chercher un certificat pour le sport.

Je tapote la poche de mon jean à l’endroit précis où se trouve le certificat. Au même moment je constate qu’une femme, assez âgée, patiente derrière nous pour accéder au comptoir où se trouve la secrétaire en charge des règlements. Je fais signe à Swann de me suivre et on s’écarte pour lui laisser la place. J’en profite pour jeter un œil inquiet à ma sœur. Ses traits sont tirés, ses yeux légèrement plissés. La porte de sortie juste derrière nous est vitrée. Les rayons du soleil passent à travers pour venir nous réchauffer la peau. Mais Swann évite soigneusement de regarder dehors. La lumière semble la gêner. La faute sûrement à ses yeux clairs, et je parle en connaissance de cause. Mais après tout elle aussi est au cabinet médical. Pourquoi ?

Et toi ? Qu’est ce que tu fais là ? Rien de méchant j’espère.

Ce froid entre nous, cette impression de parler à une étrangère alors qu’il s’agit de ma sœur est très désagréable. Encore un peu et on va enchainer sur les prévisions météo.

Je ne m’attendais pas à voir Adam aujourd’hui. Après tout, c’était un aléa de la vie, si je me retrouvais à l’hôpital. Ces migraines que je portais depuis plusieurs jours, devenaient insupportables et c’est bien pour cette raison que j’étais venue voir mon médecin. J’avais peur qu’à force d’avoir des maux de tête violents, je n’en vienne à faire un faux pas qui ferait du mal à Hazel. Et mon métier c’était tout ce qui comptait à mes yeux actuellement. Je n’avais plus que ça. Si je me levais le matin, c’était pour Hazel. Il n’y avait que la brune maintenant qui me rendait complètement heureuse. M’avançant à la rencontre de mon petit-frère, je ne sais pas réellement sur quel pied danser avec lui. Depuis qu’il m’a dit que Gregory avait été voir notre père avant son décès, je ne l’avais pas revu. De toute manière, ça faisait plus d’un an et demi que nous étions devenus des inconnus l’un pour l’autre. Pourtant, l’instinct protecteur reprend le dessus, voulant savoir s’il lui est arrivé quelque chose. J’ose espérer qu’il m’aurait prévenu si jamais c’était le cas, mais rien n’est sûr. Soupirant, je suis complètement soulagée de savoir que ce n’était rien. « Contente que ça ne soit rien de plus grave. » Une personne attend derrière nous, aussi, Adam nous conduit tous les deux vers la sortie. La porte est vitrée et je plisse les yeux. C’est désagréable. Si je pouvais m’enfermer dans le noir, je le ferais avec plaisir. Evitant soigneusement de regarder dehors, je fixe un point derrière Adam. Il faut vraiment que je me trouve une paire de lunettes de soleil, pas chère. « Oh trois fois rien, ne t’en fais pas. Juste des insomnies et des migraines. Rien de grave tu vois ? » Je ne veux pas qu’il s’inquiète pour moi. Il a sa propre vie à faire. Passant d’un pied sur l’autre, je joue nerveusement avec mes manches. Je ne sais pas trop quoi lui dire, ce silence entre nous devenant pesant. Et pourtant, cela fait un moment que je ne l’ai pas vu et j’aimerai en profiter. Détournant les yeux, je frotte mes tempes rapidement. « Tu…Tu fais quoi à la rentrée alors ? Je n’ai pas eu le temps de te demander avant … »

Swann samblait aussi mal à l'aise que moi. Du coup je n'étais pas entièrement convaincu concernant sa réponse sur les migraines. Ma soeur était capable de me cacher la vérité, pour me protéger. Mais je ne comptais pas fouiller plus loin et risquer de tendre un peu plus la conversation de ces retrouvailles surprises. Toujours dans un coin du cabinet je jette un oeil aux gens autour de nous et évite ainsi de croiser le regard de Swann lorsqu'elle me questionne sur la rentrée.

Je vais débuter ma troisième année de droit. Ça se passe pas trop mal pour l'instant.

Je repense au chèque que je reçois toujours dans ma boite aux lettre. Chaque mois, un chèque au nom de mademoiselle Maxwell, pour mes études. Alors je me corrige

Je fais de mon mieux.

Et c'était vrai. Je fais de mon mieux pour réussir mes études. Je fais de mon mieux pour m'en sortir et m'assurer un futur confortable. Mais aussi et surtout je fais de mon mieux pour ne pas gaspiller l'argent durement récolté par ma soeur et qui participe à mes études. Je m'en fais même un devoir. Réussir et enfin pouvoir lui renvoyer l'ascenseur. Cette dépendance financière ne me plaît pas. Je ne suis plus un petit garçon et je déteste me sentir comme un poids pour ma soeur. Je voudrais que ce soit moi qui prenne soin d'elle maintenant. Mais je ne peux pas. Pas si je veux aller le plus loin possible.

Merci pour ton aide. Pour le financement de mes études...

J'avais vraiment envie d'en dire plus. D'en faire plus. Mais une gêne m'en empêchait. Pourtant j'allais devoir apporter un peu plus d'eau à la conversation si je ne voulais pas riquer de voir ma soeur partir et de ne plus la voir pendant longtemps, à nouveau. Je n'en avais pas envie.

Je continue aussi le sport. Le certificat là c'est justement pour m'inscrire aux compétitions où participent l'université. Ça me fait du bien de courir. Je me vide l'esprit, ça me défoule. Ah oui et il faut que...

Je stoppe ma phrase. Je m'apprêtais à parler de ma colocation foireuse mais c'est une très mauvaise idée. Ça ne sert à rien d'inquiéter Swann avec ces histoires qui seront bientôt réglées j'en suis sûr. Par contre j'ai tout intérêt à trouver un autre sujet qui la tienne en haleine pour qu'elle ne me demande pas de continuer ma dernière phrase.

J'ai rencontré un fille! Elle s'appelle Harper.

Harper n'est qu'une amie. Mais à coup sûr ma soeur va mordre à l'hameçon et le temps que je lui explique la vraie nature des ma relation avec Harper elle aura surement oublié mon bafouillage d'avant.