[23] A dream is a wish your heart makes • Brittany

Aujourd’hui, j’avais rendez-vous avec Brittany, une amie d’enfance que j’avais connu à Monroe, en Louisiane. Ma grand-mère était la voisine des parents de la jeune femme et nous étions rapidement devenues amies toutes les deux. J’avais été étonnée de recevoir un sms de la jeune femme m’annonçant qu’elle était venue vivre à Heatherfield. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle déménage, à ce qu’elle quitte Monroe. Nous avions prévue de nous voir rapidement mais j’avais eu quelques ennuis avec des trafiquants de drogue. Deux hommes n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de s’en prendre à moi en espérant que je leur donnerais la localisation d’un lieutenant de police qui était décidé à les faire tomber. Manque de bol pour eux, je n’avais rien dit et ils avaient été arrêtés. Manque de chance pour moi, j’avais été blessée et j’en portais encore les séquelles. Même si les marques de coups que j’avais sur le visage commençaient à disparaître, mon épaule gauche était toujours immobilisée et j’avais toujours le bras en écharpe. J’avais beaucoup de mal à m’habiller mais heureusement, j’avais une infirmière qui venait tous les jours pour m’aider. C’était assez difficile à vivre pour moi, j’aimais mon indépendance et je détestais l’idée de devoir demander de l’aide à quelqu’un pour m’habiller et encore pire, pour me laver. J’avais donné rendez-vous à Brittany en début d’après-midi, dans la colocation qu’elle avait trouvé en arrivant ici. J’arrivais rapidement au Domaine Arkadia et je fus réellement émerveillée devant les maisons, les manoirs, les villas que je pouvais voir dans ce quartier. Comparé à mon petit appartement d’Harmdale, cet endroit était réellement magnifique. Remarquez, j’avais totalement les moyens de me payer un logement ici mais je préférais de loin mon petit appartement. Il faisait moins démonstration de richesse que les logements de ce quartier. Arrivée devant la maison où mon amie habitait, je pris quelques instants pour observer la maison. Elle était réellement belle et j’eus un petit sourire. Un jour, moi aussi j’aurais une maison comme celle-ci, sans avoir besoin de toucher à l’argent que j’avais gagné à la loterie, une belle maison où je pourrais vivre avec mon mari et mes enfants. Je m’approchais de la portée d’entrée avant de frapper, attendant que mon amie ne vienne m’ouvrir. J’espérais que je n’allais pas lui faire peur avec les marques que j’avais sur le visage et mon bras en écharpe.
   

J’étais contente de pouvoir retrouver Brittany, que je n’avais pas vue depuis bien longtemps. Je lui avais souvent parlé d’Heatherfield, cette petite ville où j’avais trouvé refuge il y a trois mois désormais et que j’appréciais beaucoup. J’aimais vivre dans cette petite ville où j’étais toujours serveuse. J’y avais fait de belles rencontres et tout semblait aller pour le mieux maintenant. Il y avait juste cette histoire avec les trafiquants qui m’avait un peu refroidi mais en même temps, ce n’était pas la faute de la ville s’il y avait de tels types. Arrivée devant la maison de mon amie, je frappais et j’eus un petit sourire en la voyant apparaître. Je haussais doucement les épaules quand elle me demanda ce qui m’était arrivée. Je m’attendais à une réaction de la part de mon amie et je savais que je faisais peur à voir. J’eus à nouveau un petit sourire quand elle me proposa d’entrer. « Je t’avouerais que rester à la porte ne me plait guère. » Je rentrais dans la maison et je ne pus m’empêcher de regarder le décor. Tout était harmonieux et très bien décoré, avec goût. J’aurais aimé avoir une telle petite maison mais ce n’était pas pour tout de suite à vrai dire. Je partis dans le salon que j’aperçus et je partis me poser sur le canapé, avec un petit soupire. « Et pour répondre à ta question, j’ai fait une très mauvaise rencontre… Mais je t’en parlerais plus tard. » Je ne voulais pas embêter mon amie avec mes problèmes. Parce que ce n’était pas le plus intéressant pour être honnête.
   

Je voyais bien que Brittany était choquée de me voir blessée, ce que je pouvais aisément comprendre. J’eus un petit sourire quand elle parla de ses voisins avant de me faire entrer dans la maison. Cette maison était réellement très sympa, très bien décoré et on se sentirait presque chez soi dès les premiers pas. M’asseyant dans le canapé, j’eus un petit soupir de douleur avant de sortir mon antidouleur. Mon amie me proposa alors de boire quelque chose et je pris le temps de la réflexion avant de lui répondre. « Je vais prendre un thé s’il te plait et un verre d’eau pour mon médicament… » La douleur dans mon épaule se réveillait et j’avais réellement besoin de prendre mon antidouleur pour être parfaitement détendu. Mon amie partit dans la cuisine chercher ce dont j’avais besoin et se servir également un verre. Elle revint très rapidement avec ce que je lui avais demandé et je sautais sur le verre d’eau pour prendre mon médicament, espérant qu’il ferait rapidement effet. Je soupirais en m’adossant dans le canapé avant de sourire quand je vis mon amie essuyer une tâche avec un t-shirt qui trainait là. « Laisse-moi deviner… T-shirt de Dimitri? » Je savais que mes deux amis ne pouvaient pas se voir alors je la voyais bien utiliser un t-shirt du jeune homme pour enlever la petite flaque qui se trouvait par terre. J’allais boire une gorgée de mon thé quand elle me demanda si j’avais quelqu’un dans ma vie. Je pensais tout de suite à Camille avec un sourire en coin. « Peut-être… Et toi alors ? » Je laissais cette phrase en suspens tout en buvant enfin une gorgée de mon thé. Je préférais savoir où elle en était plutôt que de parler de mes relations amoureuses. Brittany savait aussi bien que moi que je ne m’étais jamais réellement intéressé aux hommes, que j’avais préféré me focaliser sur mon travail pour aider mes parents à vivre un peu mieux, à se faire des petits plaisirs à défaut de vivre correctement.
   

J’étais contente de revoir mon amie, elle m’avait manqué quand même. Nous ne nous étions pas revu après son départ de Monroe pour ses études et cela remontait quand même. Mais nous avions pu garder contact toutes les deux quand même et maintenant, on se revoyait. J’aurais préféré ne pas être blessée mais il fallait faire avec les aléas de la vie. Je ne pus m’empêcher de sourire quand elle essuya le sol avec un t-shirt à Dimitri et sa réponse ne put que me faire rire. « Il va finir à poil avant qu’il n’ait eu le temps de dire ouf… C’est toujours l’amour fou entre vous deux à ce que je vois. » Bien sûr tout était ironique. Depuis que je connaissais Brittany et Dimitri, ils ne pouvaient pas se supporter. Je bus une gorgée de mon thé alors que la jeune femme me demandait comment je savais qu’il était présent en ville. Je haussais les sourcils en souriant. « A ton avis? Il me l’a dit, tout simplement. Je ne suis pas extra-lucide. » Mais Brittany avait décidé de ne pas lâcher l’affaire concernant ma vie amoureuse. Elle éluda la question de la sienne et me demanda de tout raconter sur le jeune homme que j’avais rencontré. Je soupirais avant de reposer ma tasse sur la table basse, me passant une main sur le visage. « Ça fait trois mois que je le connais. Je suis bénévole dans une association qui aide les sans-abris et il était dans les SDF présents à mon arrivée… Sauf que Monsieur n’est pas un SDF mais un policier. Voilà, j’ai répondu à tes questions ou je vais subir un interrogatoire? » Et le pire, c’était que je savais que Brittany en étant capable. Si elle voulait satisfaire pleinement sa curiosité, elle n’allait pas me lâcher de cette façon. Mais je n’étais pas à l’aise avec les histoires d’amour et de cœur, je n’en avais jamais eu. Camille était réellement le premier homme à faire battre mon cœur, tous les autres avaient lamentablement échoué. Je ne m’étais jamais intéressée aux hommes avant lui.
   

Je n’avais jamais réellement compris pourquoi Brittany et Dimitri ne pouvaient pas se supporter. Pourtant, le jeune homme était quelqu’un d’adorable mais apparemment, c’était plus fort qu’eux. Dès qu’ils se trouvaient en présence de l’autre, ils ne cessaient de se chercher. J’eus un petit sourire moqueur face à ce qu’elle ajouta. Elle aurait de toute façon trouvé quelque chose pour râler après Dimitri. Si cela n’avait pas été les vêtements, ça aurait été autre chose. Par la suite, on parla un petit peu de Camille et je lui racontais qui était le fameux jeune homme pourquoi je craquais. Je haussais les épaules quand elle me parla de conte de fée… Je ne savais pas trop si l’on pouvait utiliser ce mot pour décrire ce que je vivais avec le jeune homme. J’étais assez méfiante, imaginant qu’un rien pourrait faire voler en éclat ce que j’essayais de construire avec ce dernier. J’avais trop vu de couples sois disant parfait finir par se déchirer que je vivais un peu au jour le jour concernant mon histoire avec le jeune lieutenant de police. « Conte de fée… On verra bien ce que l’avenir nous réserve. » Elle préféra ensuite aborder le sujet de mes blessures et je grimaçais légèrement. Je n’aimais pas en parler, c’était encore trop frais dans ma mémoire et je frissonnais légèrement en me souvenant des deux jours que j’avais passé entre les mains des deux trafiquants de drogue. Mais avant que je n’ai eu le temps de parler, mon amie partit dans la cuisine pour revenir rapidement après avec des MM’s et du pop-corn. Je ne pus m’empêcher de sourire avant de prendre une poignée de ces petits bonbons chocolatés que j’appréciais tellement. « Il y a deux jours, j’ai été agressé chez moi par deux trafiquants de drogue. Comme je te le disais, il est policier et il voulait faire tomber un trafic de drogue au sein de l’organisation. La veille, il m’avait avoué qui il était réellement et les trafiquants ont dû le savoir. Alors pour en savoir plus sur le policier qui cherchait à les faire tomber, ils s’en sont pris à moi… » C’était aussi simple que cela. Je passais sous silence les deux longues journées que j’avais vécues entre leurs mains, préférant ne pas affoler Brittany. Elle n’avait pas besoin de tout savoir, ce serait bien mieux pour elle. Et puis, le principal était que je sois en vie. « Tu vois, on ne peut pas dire que ce soit un conte de fée… » Même si Camille avait parfaitement bien joué le rôle du prince charmant, arrivant pour sauver sa princesse… Bon, il n’avait pas de fier destrier mais c’était secondaire ça. Mais dans cette histoire, on ne pouvait pas dire que j’étais une princesse, j’étais même tout sauf une princesse, il suffisait de me regarder pour s’en rendre compte. Je n’étais pas une de ces filles des magazines, avec une poitrine opulente, des hanches épanouies et une taille fine. J’étais juste moi, Gwendal, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus banal.
   

Je n’avais jamais vu Brittany comme une intello coincée. Déjà parce qu’on se ressemblait beaucoup étant plus jeune. Nous préférions toutes les deux les livres aux garçons et c’était en partie cela qui nous avait rapproché. Je ne suis guère étonnée de l’entendre se plaindre de Dimitri, cela avait toujours été ainsi, d’aussi loin que je me souvenais. Mais je n’ai pas le temps de m’étendre sur cette histoire que la jeune femme à mes côtés me parle de mes blessures, me demandant comment je m’étais faite ça. Je lui racontais alors ce que j’avais vécu pendant deux jours, gardant certaines choses sous silence. Je ne pus retenir un sourire quand elle vit le parallèle entre mon histoire avec Camille et les contes de fée, notamment celui de la belle aux bois dormant. Je secouais alors doucement la tête en souriant. « Je sais bien que la véritable version des contes n’est jamais aussi drôle ni gaie que celle de Disney. Mais avoue que tu n’as jamais vu de contes de fée avec une jeune femme pauvre, dont le frère a dealé de la drogue avant de se faire tuer à cause de ça, et qui a un casier judiciaire… Une criminelle avec un flic, on aura tout vue… » Brittany connaissait mon histoire, les problèmes d’argent de mes parents, la mort de mon petit frère Alois il y a onze ans désormais, mon petit casier judiciaire car je n’avais pas dénoncé le trafic auquel mon frère prenait part. Je mettais énormément de doute sur cette histoire avec le jeune homme même si j’avais envie d’y croire. Cependant, je ne croyais pas aux fins heureuses et aux ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. La vie m’avait prouvé que ce n’était jamais ni tout blanc ni tout noir. Et je ne voyais pas en quoi mon histoire serait différente.
   

J’avais toujours aimé discuter avec Brittany, elle était l’une des rares à pouvoir me comprendre, à ne pas me juger. Je sais que je peux lui avouer tout ce que j’ai sur le cœur qu’elle sera toujours là pour me soutenir et me conseiller. D’ailleurs, c’est ce qu’elle fait actuellement, en me parlant de ma relation avec le jeune policier qui avait volé mon cœur. Je lève les yeux au ciel quand elle fait la comparaison entre ce que j’ai vécu et le Disney Raiponce. Je ne pensais pas que ce soit une bonne comparaison… « Certes… Sauf que Rider a volé une couronne, il n’a pas vendu de drogue et causé des overdoses… » Voilà en quoi ce n’était pas comparable. Même si je n’étais pas certaine de ce que j’affirmais, je pouvais sans peine dire que mon frère avait pu être la cause d’overdose, que son petit trafic avait causé la mort d’être humain. Si j’avais dénoncé mon frère à la police, peut-être que je n’aurais pas de casier et mon frère serait toujours vivant… En prison certes mais vivant. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant Brittany menacer clairement Camille si jamais il me faisait du mal. Certes, le jeune homme n’était pas là mais je ne doutais pas que la jeune femme serait capable de lui dire tout cela si je venais à les présenter. Elle essaya vainement d’écraser un pop-corn entre ses doigts avant de renoncer et d’argumenter qu’elle avait besoin de faire de la muscu. « Oh, tu sais, pour muscler les doigts, y a pas grand-chose à faire… La muscu, c’est pour tout le reste, pas les doigts. » Quoi que je me souvenais d’un petit appareil que l’on serrait pour faire marcher les doigts… Peut-être que cela musclait… « Et encore, ce serait dans l’hypothèse que les doigts aient des muscles. Hors, ils ne sont composés que de tendons… » Alors pas la peine de faire de la musculation, cela ne servirait à rien.
   

Je me posais peut-être trop de question, je ne faisais peut-être pas assez confiance à Camille concernant mon passé… Mais le jeune homme était le premier à s’intéresser réellement à moi et je ne voulais pas le perdre. Parce que c’était la première fois que je m’intéressais réellement à un homme. Les rares fois où cela m’était arrivé, j’avais fini par me détourner en me rendant compte que je n’avais pas le temps pour ce genre de chose, que je devais travailler pour apporter de l’argent à mes parents et surveiller mon petit frère quand ce dernier était toujours vivant. Je reportais mon regard sur mon amie et je ne pus m’empêcher de réfléchir à ce qu’elle disait. Certes, ce n’était pas moi la fautive dans cette histoire… Mais est-ce que Camille serait du même avis? Je ne savais pas et j’avais peur de poser la question au jeune homme. Je n’aimais pas parler d’Alois mais je savais qu’il faudrait que je saute le pas un jour ou l’autre. Quand elle essaye vainement d’écraser un pop-corn entre ses doigts, je ne peux m’empêcher de sourire avant qu’elle ne me parle de faire de la muscu. Je reporte mon regard sur la jeune femme avant de lui tirer la langue. « Mais non, je sais que tu m’aimes. Tu ne peux pas faire autrement d’ailleurs, je suis tellement génial avec mes questions existentielles. » Je ne peux m’empêcher de rire quand elle me parle de promener Belzebuth. Il fallait savoir que ce chien était énorme, qu’il pesait lourd et surtout, qu’il ne sentait pas sa force. Je secouais la tête en souriant tout en croquant dans un MM’s avant de tendre le doigt vers la jeune femme. « Si tu as envie de faire drapeau, c’est une excellente façon d’atteindre ton but en tout cas. » J’attrapais ma tasse pour boire mon thé, maintenant qu’il avait un peu refroidi. Une question me turlupinait quand même mais j’ignorais si Brittany avait la réponse. « Mais dis-moi, pourquoi Dimitri est-il venu à Heatherfield? Je sais à quel point vous vous adorez et je ne m’attendais pas à ce qu’il te suive comme cela… » C‘était assez déroutant, je devais le reconnaître. J’avais trop souvent vu les disputes entre la jeune femme à mes côtés et le jeune homme.
   

Je ne pus que rire quand la jeune femme à mes côtés me fit remarquer mes chevilles. Jouant le jeu jusqu’au bout, je levais une jambe pour vérifier si mes chevilles ne gonflaient pas et j’eus alors un grand sourire pour Brittany. « Aucun problème, mes chevilles pètent la forme. En même temps, je ne suis pas en bottes, on verra cet hiver. » Même si je devais avouer que je n’étais pas pressée d’être en hiver. Le Canada était connu pour ses hivers rigoureux et j’avais un peu peur de cette saison. Après tout, j’étais arrivée fin mars à Heatherfield et le plus dur était passé. Néanmoins, j’eus un petit rire en imaginant Brittany faire le drapeau derrière le chien et rebondir partout. J’espérais pour elle que cela ne lui arriverait jamais. On en vint à parler de la raison pour laquelle Dimitri se trouvait en ville et elle s’en sortit assez bien. Mais je savais qu’elle me cachait quelque chose. Elle ne me donnait pas la véritable raison de la présence du jeune homme en ville et j’étais assez déçue que Brittany ne se sente pas suffisamment à l’aise avec moi pour me parler de sa maladie. Je bus une gorgée de mon thé tout en l’écoutant. « Et bien sûr, cela n’a rien à voir avec le fait que tu aies une tumeur… » Je laissais l’affirmation planer dans l’air tout en prenant une poignée de MM’s que j’enfournais dans ma bouche. Je reportais mon regard sur la jeune femme. « Pas la peine de nier, je tiens cette information d’une source sûre. Qui d’ailleurs, ignorait que je n’étais pas au courant… » Mais je pouvais comprendre que Brittany n’ait pas envie que cela s’ébruite. Elle devait craindre la pitié des gens qui ont facilement tendance à changer d’attitude quand ils apprennent que quelqu’un est malade.
   

Je ne m’inquiétais pas outre mesure pour mes chevilles, je savais que je n’allais pas gonfler des chevilles. Mais je m’inquiétais bien plus pour Brittany. Depuis que Dimitri m’avait prévenu pour sa tumeur, je me demandais ce que Brittany pouvait en penser. Quand elle comprit qui m’en avait parlé, je ne pus que comprendre sa réaction. Mais en même temps, je ne comprenais pas. C’était assez compliqué et je tenais fermement ma tasse entre mes mains pour éviter de la mettre par terre. Elle m’expliqua que ce n’était pas évident à glisser dans une conversation et j’eus un petit sourire qui s’effaça rapidement quand elle m’expliqua que cela faisait un an et demi qu’elle était malade et qu’elle le savait. « Et un an et demi, tu n’as pas jugé bon de me prévenir? M’en aurais-tu seulement parlé si Dimitri n’avait pas fait cette bourde? » Question qui pouvait se poser. J’eus un petit sourire triste quand je vis amie essuyer une larme qui avait eu l’audace de couler sur sa joue. Je glissais ma main sur son épaule avant de faire pression dessus pour la prendre dans mes bras. Je savais que Brittany n’avait pas besoin d’une dispute mais plutôt de réconfort et de soutient.
   

Je n’arrivais pas à comprendre que Brittany ait pu me cacher une telle chose. Une tumeur, ce n’était quand même pas rien. Et je la soupçonnais fortement de n’avoir jamais eu l’envie de m’en parler. Parce que c’était ce que j’aurais fait. Pour preuve, je cachais bien à tout le monde que j’avais gagné le gros lot à la loterie… Mais quand même, j’étais assez en colère. Je fronçais les sourcils quand elle me parla de sa famille. Comment ça, la grippe? On parlait d’une tumeur au cerveau, pas d’une maladie que l’on attrape tous les jours. Elle s’éloigna légèrement et je laissais retomber ma main, attendant de voir ce qui allait se passer par la suite. Elle semblait avoir envie de parler, de m’expliquer son point de vue et je ne voulais pas la couper. Peut-être que j’allais comprendre son point de vue. Elle reprit la parole et je gardais le silence, comprenant ce qu’elle voulait dire. Je pouvais comprendre que sa famille l’étouffe et je hochais doucement la tête. « Je ne suis pas ta famille et encore moins Dimitri. Tu as besoin de soutien et pas que l’on t’enferme dans une pièce aseptisée… » Elle semblait désireuse de vivre une vie normale et les gens ont facilement tendance à penser à protéger les leurs dans ce genre de moment. J’eus un petit sourire envers Brittany alors qu’une question me venait soudain à l’esprit, me brisant le cœur. « Il n’y a rien à faire, c’est ça? » J’avais besoin de savoir si mon amie était condamnée ou pas, savoir si j’aurais encore la chance de la côtoyer dans les années à venir ou s’il fallait que je prépare un deuil qui allait être pour le moins compliqué.
   

Je commençais enfin à comprendre pourquoi Brittany était venue s’exiler à Heatherfield, pourquoi elle avait fui Monroe et sa famille. J’étais triste pour elle d’apprendre qu’elle avait une tumeur mais je ne resterais pas à les bras croisés à attendre que mon amie d’enfance ne meurt dans d’atroces souffrances. Car je me doutais que ce ne serait pas joli à voir. Je l’écoutais me parler de sa tumeur, de sa localisation et du fait qu’aucun médecin ne prendrait la peine de l’opérer. C’était difficile à entendre, surtout pour moi qui étais très proche de la jeune femme. Mais elle ajouta quelque chose qui me fit relever la tête. Il y avait une opération possible, rien n’était perdu. Quand elle ajouta qu’elle ne trouverait jamais l’argent nécessaire pour se faire opérer, cela fit comme un tilt dans ma tête, un peu comme dans les cartoons quand un des personnages a une idée et qu’une petite ampoule s’allume au-dessus de sa tête. Je posais ma tasse de thé en réfléchissant à comme aborder le sujet, comment lui annoncer que je pouvais tout à fait lui payer l’opération… Attrapant une poignée de MMs, je reportais mon regard sur mon amie en souriant. « J’ai une solution Brittany. Tu risques de ne pas l’aimer et encore moins de l’accepter mais je ne te demande pas ton avis et encore moins ton assentiment. Il y a trois mois, j’ai gagné à la loterie… Plus d’un milliard de dollars. Et je ne savais pas quoi faire de cet argent alors maintenant, tu vas commencer à faire le tour des chirurgiens de la ville, je suis certaine que tu en trouveras un pour t’opérer. » Comme dit, je me fichais bien que mon amie soit contre cette idée. Je refusais de la regarder mourir sans rien faire, à juste la soutenir. Si cela pouvait l’aider à vivre enfin, je ne disais pas non. Et je n’avais pas envie de devoir me trouver des vêtements pour assister à son enterrement. Je préférais de loin me trouver une belle robe pour son mariage, lorsqu’elle a vaincu cette cochonnerie.
   

J’étais contente que Brittany réussisse à me parler sans détour de sa maladie. Après tout, elle aurait pu se braquer quand elle avait appris que j’étais au courant pour sa tumeur à cause de Dimitri. Je l’aurais compris bien que j’aurais eu du mal à l’accepter. Mais non, elle me parlait, m’aidant à comprendre. Cependant, je ne comprenais pas pourquoi elle se disait condamner alors qu’une opération, certes risquée, était possible. Personnellement, même si ma vie était un véritable enfer par moment, j’aimais trop les gens autour de moi pour accepter de mourir sans rien faire, sans tenter la solution de la dernière chance. Et quand elle me dit qu’elle n’aura jamais l’argent pour payer cette opération, je ne peux m’empêcher de réfléchir. Je l’avais moi cet argent et je pouvais tout à fait l’aider. Par contre, sa réponse me vexa assez fortement et je reposais ma tasse sur la table basse avant de me tourner vers la jeune femme. « Brittany Parker! Il n’est nullement question de charité. Merde Brit, je te connais depuis des années, tu sais très bien que je ne fonctionne pas à la pitié. » Je soupirais tout en glissant une main dans mes cheveux. Cela me faisait mal qu’elle puisse penser une telle chose de moi. Attrapant une poignée de pop-corn, je tendis un doigt rageur vers la jeune femme. « Je me fous que les chirurgiens d’ici ne veuillent pas tenter l’opération. Je suis persuadé qu’il y a d’autres chirurgiens ailleurs qui eux, seraient prêts à tenter. Alors tu vas me faire le plaisir de te renseigner sinon, je le fais pour toi. » Et elle savait que j’en serais capable. Je connaissais la jeune femme depuis assez longtemps pour dire qu’elle faisait partie de la famille. Et je n’étais pas du genre à regarder mourir les miens sans rien tenter. Même quand mon frère avait été abattu de plusieurs balles dans le cœur, même si je savais qu’il allait mourir, j’avais tout fait pour le sauver. Parce qu’au fond, j’avais l’espoir d’y arriver. Mais si pour Alois, il n’y en avait eu aucun, il y en avait un même infime pour mon amie.
   

J’étais triste et déçue que mon amie puisse penser que je faisais cela par charité. Ce n’était pas mon genre et elle le savait très bien. C’était juste que j’avais assisté à la mort de mon petit frère et que je refusais de rester les bras croisés à la regarder mourir sans rien faire alors qu’il y avait une solution. Je levais les yeux au ciel en soupirant. « Tu sais très bien que je ne te mettrais jamais le couteau sous la gorge pour que tu te fasses opérer. C’est juste que si tu trouves un chirurgien qui accepte de le faire, ne refuse pas juste pour une histoire d’argent. Je t’aiderais avec plaisir. » Voilà l’unique raison qui faisait que j’accepterais d’utiliser cet argent. Je ne voulais pas forcer Brittany à se faire opérer mais si elle décidait de sauter le pas, elle pourrait compter sur moi. Par la suite, elle m’expliqua les risques qu’elle encourait si elle se faisait opérer et je pris un temps de réflexion. Je n’étais pas à la place de mon amie et je ne pourrais donc pas dire avec certitude ce que je ferais si cela devait m’arriver. Cependant, j’avais déjà une petite idée. « Je ne suis pas à ta place. Mais si je l’étais, je pense que je préfèrerais mourir sur la table d’opération en me disant que j’ai essayé plutôt que de me laisser dépérir en me disant que peut-être l’opération aurait marché. Pour ce qui est de la paralysie… C’est un risque non négligeable mais nous courons tous ce risque quand nous sortons de chez nous, en traversant juste une route. » Le risque zéro n’existe pas, où que nous soyons. J’avais autant de risque de finir dans un fauteuil en traversant la route et en me faisant renverser qu’en me faisant opérer d’une tumeur. Je reposais ma tasse vide sur la table basse en souriant. « Promets-moi juste d’essayer de te renseigner. Retourne voir ton oncologue et parle lui de l’opération. Si vraiment il y a plus de risques que de chances de t’en sortir, alors je resterais à tes côtés jusqu’à la fin. » Je n’aimais pas parler ainsi et je dus lutter contre le cafard qui me prenait. Je pris une grosse poignée de M&M’s avant de reporter mon regard sur mon amie. « Bon, et si on parlait d’autre chose… Je vais finir par pleurer moi sinon. » Et déjà que je ne devais pas être belle à voir avec mes traces de coups, je ne donnais pas cher de ma tête une fois les larmes ayant ravagées mes joues.
   

Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel quand elle me parla de ses dernières volontés. Je ne pus m’empêcher de lui donner une petite tape sur l’épaule, du plat de la main. Ma mère faisait souvent cela avec moi sauf qu’elle me tapait sur le crâne. Mais avec Brittany, je lui tapais toujours sur l’épaule parce que la tête, je ne sais pas, cela me faisait bizarre. Et puis, l’épaule était toujours plus accessible que la tête. « Je t’interdis de parler comme si tu allais mourir. Certes, c’est un risque mais parle pas comme si c’était l’issue logique, je n’aime pas ça. » Mais elle a raison, j’accepterais ses dernières volontés même si cela signifiait arrêter de la maintenir artificiellement en vie. De toute façon, là-dessus, nous étions toutes les deux sur la même longueur d’onde. Je refusais l’acharnement thérapeutique et je savais que Brittany également. Quand il n’y a plus d’espoir, y a plus d’espoir point. Pas besoin de s’acharner sur quelqu’un qui ne reviendra pas. Mangeant ce que la jeune femme avait rapporté de la cuisine, je l’écoutais me parler avant de rire légèrement à ce qu’elle ajouta sur sa famille. Je ne pus m’empêcher de hocher la tête. « Ah ça, je m’en souviens très bien. » Elle avait raison, sa famille avait toujours eu ce genre de discours vis-à-vis de leur fille. Et les miens en profitaient toujours pour en rajouter une couche me concernant. Oui, nous aimions les livres et non, nous n’aimions pas sortir. Si cela avait changé pour Brittany avec sa maladie, ce n’était pas mon cas et cela ne m’avait pas empêché de trouver quelqu’un. Elle me demanda alors un sujet de conversation pour changer de celui que nous avions et je regardais la maison autour de moi. « La colocation se passe bien? En tout cas, c’est une chouette maison, rien à voir avec l’appartement miteux que j’habitais avec mes parents à New-York. » C’était le cas de le dire. Brittany n’était jamais venue à New-York, dans notre petit appartement, mais je lui avais montré quelques photos. C’était un vieil appartement, limite insalubre dans un quartier très pauvre de la grosse Pomme. J’avais été obligé de partager ma chambre avec mon petit frère avant de dormir dans le canapé quand ce dernier était décédé. « Tu sais, ils ont déménagé. Ils ont une adorable petite maison à Brooklyn maintenant. Et mon père a même retrouvé du boulot, il est heureux, tu n’imagines pas à quel point. » Avant que tout ne change avec mon gain à la loterie, nous avions énormément de mal à boucler les fins de mois, ma mère travaillant de temps en temps et mon père étant au chômage. C’était pour les aider que j’avais pris un boulot de serveuse sans même attendre la fin de mes études.
   

Je ne pus que hocher la tête, comprenant parfaitement ce que voulait dire Brittany en parlant d’être prévoyante. J’imaginais que ni sa famille ni Dimitri ne voudraient débrancher la jeune femme s’il venait à y avoir de problèmes pendant l’opération. Elle savait que j’accepterais toujours ses volontés et que je ferais ce qu’il faudra si elle se retrouvait en état végétatif sans espoir d’amélioration. Je posais donc délicatement ma main sur la sienne, scellant en quelque sorte notre accord. On changea alors de discussion, parlant de sa colocation. Elle m’expliqua que tout se passait bien avec la propriétaire et je ne pus que rire quand elle me parla de Dimitri. « Je me souviens de comment vous étiez alors oui, je sais ce que tu vas me dire. » Je fis un parallèle avec la maison de mes parents à Brooklyn, lui racontant également que mon père avait retrouvé un boulot. Je finis par hocher la tête, terminant ma bouchée de popcorn avant de lui répondre. « Oui, il a retrouvé dans son secteur. Il était conducteur de train en Allemagne, avant de s’exilé aux Etats-Unis. Il est devenu chef de gare à New-York désormais. » La situation c’était débloquée en quelques mois, depuis que j’avais gagné à la loterie. Je ne saurais expliquer cette histoire mais depuis que j’avais gagné le jackpot, tout semblait s’arranger autour de moi. Je jouais un bref instant avec un MM’s avant de sourire à la jeune femme. « Parfois, je me dis que la vie ne vaut pas le coup de se battre… Et puis, tu gagnes à la loterie sans réellement avoir voulu jouer et tu gagnes. Cela a le don de faire changer ta vision des choses. » Je n’avais pas prévu de jouer à la loterie ce jour-là, ne réagissant qu’à un ami qui m’avait accusé d’être une poule mouillée. Je ne pourrais jamais assez le remercier pour m’avoir dit cela, sans lui, je ne sais pas où je serais.
   

J’étais encore sur les fesses d’apprendre que la jeune femme à mes côtés avait une maladie qu’elle pensait incurable. Certes, elle l’était mais je restais persuadé qu’une opération pouvait la sauver. Mais elle ne voulait pas en entendre parler à cause de tous les risques que contenait l’opération, ce que je pouvais comprendre. Je n’étais pas à la place de Brittany mais je pensais que si cela avait été le cas, j’aurais tout fait pour trouver un médecin capable de m’opérer. Sauf que je n’étais pas à sa place. On en vint à parler de ma famille et je haussais les épaules quand elle ajouta que je méritais ce qu’il m’arrivait. « Je n’en suis pas aussi certaine tu sais. Ce ne sont que des chiffres à une loterie, je n’ai pas réellement mérité cet argent. Je ne l’ai pas gagné en travaillant. Et depuis trois mois, la somme est intacte sur mon compte en banque, je refuse d’y toucher. » Voilà pourquoi j’avais toujours un appartement miteux dans le quartier de Harmdale et que j’étais toujours serveuse. Je savais qu’avec mon gain, je pouvais arrêter de travailler jusqu’à ma mort mais je refusais. Je voulais continuer à travailler pour ne pas devenir folle. Cela me permettait de bouger, de ne pas penser. Parce que dès que je me posais, je finissais toujours par réfléchir un peu trop et je m’auto-déprimais. Je soupirais avant de prendre une poignée de pop-corn tout en tournant les yeux vers Brittany. « Enfin, je mens. Je me suis déjà servi de mon argent pour acheter la maison à Brooklyn pour mes parents. Et je fais aussi des dons à des associations. Mais je n’utiliserais pas cet argent pour moi. Je vis très bien avec mon salaire. » C’était le principal, que je vive décemment avec mon salaire. Certes, j’aurais aimé avoir une maison à moi plutôt qu’un appartement mais je savais que je pouvais atteindre mon rêve en mettant de l’argent de côté et en étant patiente.